Une étude menée par le centre d’analyse et de recherche sur les politiques économiques et sociales du Cameroun révèle qu’ils sont plus enclins à s’engager dans des filières innovantes et celles offrant un cycle d’exploitation court.
L’inadéquation formation-emploi est un des arguments généralement brandis pour justifier le chômage galopant et le sous-emploi qui affectent la jeunesse camerounaise. Malgré la multitude d’initiatives, le taux de chômage des jeunes, qui est officiellement de 5,5% en milieu urbain, reste élevé, et le taux de sous-emploi est de l’ordre de 71,4% pour une durée moyenne de première insertion de 32,1 mois. Jusque-là, le problème n’avait pas été posé, tout au moins de manière sérieuse, sur les préférences professionnelles des jeunes. Le Centre d’analyse et de recherche sur les politiques économiques et sociales (Camercap-Parc) vient d’apporter une réponse à cette préoccupation. « Les jeunes semblent préférer des activités disposant des possibilités d’évolution technologique, des marges de manœuvre en termes d’innovation, des facilités d’entrées, ainsi qu’un cycle d’exploitation relativement court et moins contraignant en termes de fonds de roulement », indique l’étude du Camercap-Parc. Intitulée « profils et préférence des jeunes
en matière d’emploi au Cameroun : éléments déterminants pour une politique de l’emploi basée sur une approche selon la préférence », cette étude tente d’inventorier les filières et secteurs qui attirent les jeunes au Cameroun. Selon les résultats de l’enquête sur l’emploi et le secteur informel (EESI) réalisée en 2010, les préférences des jeunes en matière d’emplois varient en fonction de plusieurs facteurs dont le milieu de résidence, le sexe, le niveau d’instruction, etc. « Les jeunes hommes des régions sud du pays qui résident pour la plupart dans les milieux urbains sont généralement dans les autres services et industries. Ils occupent des emplois mixtes salariés ou pas, alors que les jeunes femmes des régions du Centre et du septentrion qui sont en milieu rural évoluent dans des branches de services telles que la restauration, le commerce de détail, le commerce de gros ou la confection », indique le rapport du Camercap-Parc, qui dresse également un inventaire de quelques préférences marquées en matière d’emplois.
Les jeunes aiment le commerce de détail
C’est l’activité préférée des jeunes, puisqu’elle concentre 29,4% d’entre eux, d’après les données de l’EESI 2010. La répartition par milieu de vie montre cependant une différence entre le milieu rural, où 28% de jeunes se livrent au commerce de détail contre presque un tiers en zone urbaine. Le même constat ressort de la répartition par sexe, où les hommes représentent 29,5% contre 29,3% pour le sexe féminin. Selon l’étude, l’engouement des jeunes pour le commerce de détail se justifie par les facilités offertes à l’entrée de cette activité, le cycle d’exploitation qui est nettement réduit et les perspectives d’une évolution rapide avec très peu de risques.
Agro-alimentaire attire les femmes rurales
L’étude révèle que 16,7% de jeunes en moyenne manifestent leur préférence pour cette activité dont 27,6% en zone rurale et 6,9 en zone urbaine. Par ailleurs, le milieu rural regorge largement plus de jeunes femmes exerçant dans l’agro-alimentaire avec 41,96% contre 12,58% en milieu urbain. Le dernier recensement général des entreprises au Cameroun effectué par l’institut national de la statistique (INS) a dénombré 12 154 entreprises constituées de moitié de celles évoluant dans le secteur agroalimentaire dont la quasi-totalité sont des petites et moyennes entreprises (PME). « Contrairement aux industries lourdes, les atouts de l’agro-alimentaire par rapport aux attentes professionnelles des jeunes sont essentiellement relatifs à la multiplication des métiers moins lourds, les investissements de départ en capital financier et en compétences sont limités, faciles à mettre en œuvre, utilisant des technologies avancées et accessibles et offrant des possibilités d’ouverture à l’international », renseigne l’étude. L’un des segments les plus dynamiques de ce secteur est la transformation des fruits. Bien que faite en majorité par des unités artisanales, elle a le mérite de contribuer à la réduction des pertes post-récoltes et de prolonger la durée de conservation des produits. Il y a également le cas des produits laitiers qui attirent de nombreux jeunes dans la partie septentrionale du pays.
La restauration prospère en zone rurale
C’est un secteur largement dominé par les femmes qui y tirent 16% d’emplois contre 3,3% pour les hommes, soit une moyenne de 10,1% de jeunes. Mais paradoxalement, l’activité prospère plus en zone rural avec 11,5% d’emplois contre 8,8% en milieu urbain. Les raisons évoquées pour justifier l’intérêt des jeunes sont les mêmes que pour les secteurs précédents : la perspective rapide du gain et peu de contrainte à l’entrée.
Autres secteurs
Parmi les autres secteurs retenus dans le cadre de cette étude et pour lesquels les jeunes présentent un intérêt certain figurent, entre autres, la confection avec 6,1% d’emplois. Il s’agit surtout des métiers de l’artisanat comme la vannerie qui fait référence à toutes les activités qui consistent à produire ou à confectionner des objets utilitaires ou décoratifs à partir de tiges ou fibres végétales dont les plus couramment utilisées sont l’osier, la paille, le rotin, l’écorce de cordier, etc. Il y a également le travail du cuir très répandu dans la partie septentrionale du Cameroun. Le secteur du cuir, qui figure parmi les industries les plus lucratives au monde, possède un fort potentiel au Cameroun avec un cheptel évalué à plus de 5 millions de bovins et 8,6 millions de caprins. Ces secteurs présentent non seulement un important potentiel de développement, mais aussi de réelles opportunités d’insertion pour les jeunes. Les activités de ces filières vont de la production de la matière première, à la commercialisation en passant par la fabrication des articles. Dans le même ordre d’idées, nous avons des secteurs tels que le transport, 8,4%, les autres services, 15%, les autres industrie, 4,8%, la réparation, 3,7%, le bâtiment et les travaux publics (BTP), 2,9% au même titre que le commerce de gros. Ces résultats montrent que la résolution du problème de chômage et de sous-emploi au Cameroun passe par la prise en compte des préférences des bénéficiaires des différents programmes et projets gouvernementaux portant sur l’emploi des jeunes. « L’incorporation des préférences des jeunes dans l’élaboration des politiques d’emploi pourrait renforcer leur cohérence et leur efficacité, et par conséquent, améliorer considérablement leur succès », indique Barnabé Okouda, directeur exécutif du Camercap-Parc.
L’échec du Piaasi, Pajer-U, etc.
Ainsi se justifie, selon l’étude, le bilan mitigé qu’affichent les projets et programmes mis en place pour promouvoir l’emploi des jeunes. « Ces programmes sont généralement orientés vers lesecteur agropastoral qui n’intéressent que relativement les jeunes. Car les jeunes qui représ entent plus de 70% de la population camerounaises ne représentent que 46,5% dans l’agropastoral contre 52% d’adultes. C’est le cas par exemple du programme d’appui à la jeunesse rurale et urbaine (Pajer-U), le programme intégré d’appui aux acteurs du secteur informel (Piaasi), qui présentent des taux de consommation de crédit respectifs de 49,7% et 26,8%et des taux de recouvrement encore plus faibles, soit 8,9% et 10,2% respectivement.
Simplice Oyono